– LES MONTAGNES –
Un parent qui part, c’est une encre qui se dilue sans retenue, une ancre qui se détache du récif, nous voila bateau devenu felouque indécise dans un océan criard, un astronef boiteux emporté dans un noir buvard, dans un vide silencieux.
On les dit immuables mais elles partent quand-même les montagnes. Je me sens nu, trempé par la pluie, assommé par la grêle, emporté par le zéphyr, incendié par le soleil, abusé par l’obscurité. Prêter attention, que les sombres ténèbres ne se referment pas sur moi, je n’ai ni scaphandre, ni palmes aux pieds, ni ailes dans le dos.
Que faire ? Accepter l’inexorable et… revenir dans la mémoire, piller leur inspiration en les imitant sans réfléchir, sans craindre, sans douter. Ne dois-je pas mon existence à leur muse ? Ne suis-je pas leur plus beau forfait ?
Donner vie, devenir racine à son tour, voir l’enfant luire au loin comme une étoile du berger, puiser dans sa lumière en levant nos branchages vers les nuages cendrés des ancêtres, afin d’y puiser la poussière qui fertilisera le rhizome dans tous ses atomes.
Les montagnes sont parties, mais au sein du fleuve qui chenille dans la plaine, la sève toujours continue de charrier leurs alluvions qui feront grain après grain… les montagnes de demain.
LES MONTAGNES
– Jute, soi, émoi – Collection TexStyles –