RETOUR INTRA-UTÉRIN

Chargé comme une mule avec ce trop-plein d’ans sur les épaules, voilà que je croule sous le cumul de mes années folles. De la rationalité fut maître Descartes qui sur la pensée faisait une tarte, car ce n’est en fait que parce que je résiste que j’existe. À cette idée je reste sensible bien que son réel à mon dos s’avère pénible, et en moi je sens que sans aide il ploie et il s’en cède.

 

Emporté, largué comme une bombe, je me courbe en avant toute, la sensation comme une chèvre qui broute, de mon échine qui se voûte et les bras qui m’en tombent. Je voudrais les ramasser mais avec quoi ? Mes mains au bout des bras ont choisit de suivre, et dans la foulée tout le reste vers l’avant prend la chute libre.

 

Coûte que coûte il me faut éviter la déroute. Alors dans un effort qui emporte mon tréfond, pour ne pas tomber mes yeux, je les lève au plafond. Malheureusement, comme je pense donc je suis, tout mon poids me fuis, et de nouveau la masse de mon cerveau vers l’arrière s’amasse, puis se déverse guidant ma tête à la renverse. Alors dans un geste circonflexe, je renvoie tout devant, et voilà que mon réflexe me met dans le vent, mes mains touchent terre et le carreau cogne ma sphère.

 

De cette situation ubuesque je me laisse à prier mauresque, ce qui me rend serein et serin prêt à chanter jusqu’au petit matin. Sur les genoux, front contre sol, les fesses en l’air, n’est qu’un début de mise en terre. J’aperçois que taire la résistance fait cesser le fait que je pense, alors je transforme mon accroupi en culbute dans un côté en chute, un terminus  en forme de fœtus. Le flanc à terre, recroquevillé comme autrefois dans ma mère, j’abandonne le souci et l’angoisse aussi.

 

M’emplie alors cette joie utérine où dans ma préexistence j’ignorais la résistance. Voilà donc la découverte de cette liesse qu’est de ne point résister à la vieillesse.